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L'été sera Chao
Trois ans après le succès mondial de "Clandestino",
son premier disque solo, l'ex-leader de la Mano Negra,
Manu Chao revient avec un nouvel album. Le carnet de voyage coloré
et chaleureux d'un globe-chanteur humaniste, d'un baladin engagé qui refuse de faire
de la rébellion "un fonds de commerce".


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Le 3 septembre, sortie du nouvel album de Manu Chao, la Radiolina.
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Physiquement, il oscille entre un Till l'Espiègle ibérique et un Peter Pan péruvien. Le genre Phileas Fogg mâtiné de Passe-Partout, mélange de clochard céleste à la Kerouac et de protest singer façon Woody Guthrie. Manu Chao, ex-menu meneur de la Mano Negra, gloire du rock indépendant français des années 80, est devenu une sorte de baladin international, d'artiste guérillero insaisissable, un Tintin latino faisant la nique au grand méchant show-biz et aux affreux politiciens de la planète. Il y a trois ans, le succès inattendu de son album solo, Clandestino, carnet de route sonore bricolé entre deux bouges brésiliens et un coin de trottoir mexicain, a fait de lui, et malgré lui, le chantre d'une rébellion musicale humaniste et tiers-mondiste. Un José Bové chantant ? Plutôt un citoyen du monde armé d'une guitare.

Ce fils de Chuck Berry et de Maradona, né à Sèvres il y a tout juste quarante ans dans une famille franco-espagnole, a toujours eu le goût de la bringue et de la bourlingue. Avec ses premiers groupes, les Hot Pants, puis Los Carayos, il affichait déjà une boulimie pour les mélanges sonores épicés et un penchant pour la fiesta mutine. Fan des Clash et de Bob Marley, notre titi espingouin mixait joyeusement rock, salsa, raï, reggae, rap, java et ska. Un cocktail détonant baptisé «patchanka», qu'il popularisa dès 1987, à la tête d'une tribu de manants romanos qu'on aurait crus tout droit sortis de chez Médrano : la Mano Negra. «C'est de la musette électrique, avec des paroles apaches et l'esprit chorizo», prétendait-il à l'époque. Avec, aussi, une manie inamovible, la bougeotte. Sur scène - on disait de leurs concerts que même les journalistes y dansaient... -, ces féroces bambocheurs bosseurs pratiquaient ballets de Sioux et plongeons dans la salle, foot et pogo, sauts de carpe et triples saltos.


Les manouches de la Mano affichaient une insolente propension à ne suivre aucune des règles édictées par le «métier» du disque, s'auto-organisant des tournées dans les banlieues dites défavorisées ou investissant pendant un mois les tripots de Pigalle. En 92, on les vit même s'embarquer à bord d'un vieux cargo retapé pour aller festoyer, en compagnie de la troupe de théâtre de rue Royal de Luxe et des danseurs de Philippe Decouflé, dans sept ports d'Amérique du Sud, entre Rio et La Havane. L'année suivante, c'est la Colombie qu'ils arpentèrent, juchés sur un antique train ferraillant dans la montagne, avec guitares, claviers, sono et tout le toutim pour faire du tintouin. Un périple que le père de Manu, le journaliste et écrivain Ramón Chao, a relaté dans un livre baptisé Un train de glace et de feu (éd. de la Différence).

Après cinq albums bigarrés et moult périlleuses pérégrinations, les Negra minés finirent par passer la mano, en 94. «La vie de groupe en a usé plus d'un, confiait à l'époque un Chao même pas échaudé. Faire partie de la Mano, c'était renoncer à toute autre activité, à avoir même une vie privée...» Et notre Manu devenu solo de reprendre sa vie de routard à la besace remplie de doubles-croches, guitare et magnéto en bandoulière, se nourrissant de rencontres conviviales et de concerts improvisés, caracolant à Caracas, baguenaudant à Bogotá, entonnant ses p'tits airs à Buenos Aires : «Je suis un drogué du voyage, je ne peux pas rester plus de trois mois au même endroit. En Amérique latine, on me surnomme "el Desaparecido", parce que à peine arrivé je disparais déjà...»
Photo Manu Chao en Interview 1

Ce coup-ci, on le tient. Le voilà revenu avec un nouvel album fort attendu, copie quasi conforme, mais toujours aussi anticonformiste, du précédent. Ça s'appelle Próxima estación : esperanza («Prochaine station : l'espoir»), et c'est du Chao tout craché : un journal de voyage bondissant et bringuebalant, croqué par un Rouletabille du rythme, un globe-rocker farfouilleur à la curio- sité insatiable et à la générosité contagieuse. Nous l'avons rencontré il y a peu dans l'un de ses QG parisiens, le bistrot Le Babel, dans le XVIIIe arrondissement.

Télérama : Comment travaillez-vous ?
Manu Chao : Surtout sans aucune idée préconçue. Je me laisse porter par le hasard des rencontres, des musiques, des accidents de la vie. Je jette des taches, comme si je peignais un tableau avec des bombes de peinture. Je rajoute des couches, j'en enlève. Ce n'est pas si facile. Il faut avoir la main verte. J'adore ça. Je me retrouve avec des centaines de petits bouts de musique. C'est comme un immense Lego. Avec ça, il s'agit de faire de l'ensemble de l'album une seule chanson, un voyage. Les choses s'enclenchent souvent naturellement.

Télérama : Il y a dans Próxima estación : esperanza des bouts de gimmicks et de mélodies repris de votre précédent album, Clandestino. Par manque d'inspiration ?
Manu Chao : Sûrement pas. J'ai une bonne quarantaine de chansons toutes prêtes dans ma valise. Mais elles ne rentraient pas dans ce disque, alors que les bouts de Clandestino collaient pile.
Photo Manu Chao en Interview 2

Télérama : Ça n'agace pas votre maison de disques que vous produisiez si peu ?
Manu Chao : Ma carrière, au sens commercial, est derrière moi. Quand j'ai fait Clandestino, je pensais que ce serait mon dernier disque, que c'était trop personnel et que ça n'intéresserait personne. Il se trouve qu'il a eu beaucoup de succès. Aujourd'hui, j'ai de l'argent. Et l'argent sert à quoi, sinon à acheter sa liberté ? Y a-t-il une chose plus intéressante dans la vie que de prendre son baluchon et de faire le tour du monde ?

Télérama : La gestation de ce deuxième disque a-t-elle été difficile ?
Manu Chao : Très facile, au contraire. Avec le réalisateur, Renaud Létang, on ne cessait de se répéter : «On ne sait pas où on va, mais on n'est pas largués.» Il faut dire que l'accueil de Clandestino nous a donné beaucoup de confiance et de bonheur. Partout, les gens nous ont dit des choses très belles sur ce disque. Ils nous ont donné de l'amour. On se devait de le leur renvoyer.

Télérama : «Prochaine station : espoir», c'est joli mais ça veut dire quoi ?
Manu Chao : C'est juste un petit message pour dire que même si l'on se sent «guélar» (largué), il faut garder l'espoir de changer les choses. Quand on regarde lucidement le monde, on s'aperçoit que la plupart des gens qui en tiennent les rênes sont des irresponsables. Bush, qui abandonne les accords de Kyoto, par exemple, c'est de la folie pure. Si ça continue, on risque vraiment de faire péter la cafetière d'ici à vingt ans... En Amérique latine, les dictatures sont tombées. Au revoir les militaires, bienvenue à la démocratie. Mais qu'est-ce qu'il y a derrière ces prétendues démocraties ? Des mafias qui font la loi ! Et c'est la même chose en Russie, où les gangsters sont plus puissants que le gouvernement. Le fascisme n'a pas disparu, il s'est simplement reconverti.
Photo Manu Chao en Interview 3

Télérama : Où est l'espérance, dans tout ça ?
Manu Chao : Il y a de petites lumières qui pointent, le contre-sommet de Seattle, la réunion de Porto Alegre, la marche du sous-commandant Marcos sur Mexico. On sent qu'une conscience mondiale est en train de se réveiller. Ça donne de l'espoir.

Télérama : Próxima estación... semble beaucoup moins engagé, politiquement et socialement, que Clandestino.
Manu Chao : Les gens ont une attente incroyable envers moi, particulièrement en Amérique latine. Ils me font une confiance énorme, ils me demandent de résoudre tous les problèmes du monde. Dans les conférences de presse que j'ai données là-bas, dix pour cent à peine des questions portaient sur la musique, toutes les autres concernaient la politique.

Ce sac à dos de haut-parleur de la jeunesse contestataire, je veux bien le porter. Mais je ne l'ai pas choisi. Et la dernière chose que je voudrais, ce serait de devenir un gourou. Avec ce disque, on a voulu un peu remettre les pendules à l'heure. Je ne suis pas un politicien, juste un petit artisan de la musique.

Télérama : Mais vous avez toujours, même à l'époque de la Mano Negra, considéré la musique comme une arme ?
Manu Chao : Justement, je veux qu'elle le reste. Et je ne voudrais surtout pas que la rébellion devienne mon fonds de commerce. Le business récupère tout, et surtout la contestation. Regardez la chaîne MTV : on y voit à longueur de temps de la révolte «marketisée». Moi, je suis une proie trop facile. Je pourrais vendre des millions de disques en criant «Vive le Chiapas !», mais ce serait verser dans une démagogie que je déteste. Pas question pour moi de devenir la petite caution de la rébellion à cent balles. Ça, c'est précisément le fardeau que je ne veux pas porter.

Je suis allé au Chiapas. J'ai rencontré le sous-commandant Marcos. Un moment inoubliable. Il nous attendait avec une guitare. Il nous a dit : «Je vous prends à la musique.» On a fait un boeuf... Marcos, je soutiens sa cause. Mon engagement politique, tout le monde le connaît. Pas besoin d'en rajouter des tartines dans chaque chanson.

Philippe Barbot et Christian Sorg



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© Tecknorganik 2007