Le nom "Moby" a-t-il une signification spéciale, ou s'agit-il simplement d'un surnom?
Mon vrai nom est Richard Melville Hall. Mais quand je suis né, mes parents pensaient, que Richard Melville Hall serait un nom trop long à porter pour un bébé. Alors ils m'ont nommé Moby. Une des raisons pour cela est que j'ai des relations familiales avec Herman Melville qui a écrit Moby Dick. Si on m'appelle Richard, je ne réagis pas.
Dans beaucoup de tes vidéos tu es l'un des personnages principaux. Le côté visuel est-il important pour toi, aimes-tu le travail d'acteur?
Non, je suis musicien. Je n'ai aucun intérêt particulier à être face à la caméra. Quand on fait un clip, il peut être logique que j'apparaisse, en tant que celui qui fait la musique, bon. Mais je n'ai pas envie de devenir acteur. C'est un cliché horrible, le musicien qui se transforme en acteur. Je veux éviter cela dans la mesure du possible.
La vidéo de "Bodyrock" est assez rigolote, tu restes là, près de ce mec et tu crées le scénario pour lui au fur et à mesure. Comment est née cette idée?
Ce n'est pas moi qui fait les vidéos. J'y apparais et suis plutôt un assistant. J'en ai à peu près autant à faire que le mec qui conduit le dernier camion. J'engage le réalisateur, il me présente ses idées et je dis: "oui, ca a l'air bien", mais en réalité je suis musicien. Je n'ai rien à voir avec le script, comme ça si c'est de la merde, je peux accuser quelqu'un d'autre.
Es-tu fasciné par les images? Tu as produit pas mal de musiques de films.
Oui, mais au fond je ne suis qu'un simple musicien. Et si la musique est utilisée pour des films, tant mieux. Quand j'ai commencé à faire de la musique, je l'ai fait pour moi-même.
Ton oeuvre est toujours plus ou moins politique. Penses-tu que la culture et la politique vont de paire, te considères-tu toi-même comme un artiste engagé?
Je pense que oui. Je ne sais pas si la musique que j'écris est politique. Les paroles le sont certainement. Mais ca dépend de ce que tu entends par politique. Pour certains, chaque acte est plus ou moins politique. Avec la musique tu as la chance d'atteindre des milliers ou même des millions de gens, et c'est une responsabilité que je prends très au sérieux.
Tu ne partages donc pas l'opinion selon laquelle l'art reste isolé?
Je ne vois rien qui soit isolé. Même l'isolement est politique. Ce n'est pas grave si la musique, l'art ou la littérature veulent seulement divertir. Mais c'est souvent le résultat qui est politique, lorsque les gens sortent du théâtre ou finissent un bouquin. C'est un système compliqué.
Qu'est ce que tu penses de la scène musicale actuelle? Ecoutes-tu beaucoup de choses, et de quelle manière es-tu influencé par ce que tu écoutes?
J'aime la musique. J'aime l'Euro-Dance, la Drum'n'Bass, le R&B, le Hip-Hop, la House, j'aime tout. Certes il y a beaucoup de musiques dans le monde qui ne m'influenceront jamais. J'aime la Country, les musiques de Western ou la Drum'n'Bass, mais cela ne m'influence pas réellement. Là je suis plutôt consommateur. J'aime aller dans les clubs et écouter de la musique, peu importe s'il s'agit de jazz, de Punk ou du House.
Quels sont tes musiciens préférés?
Hmm, c'est drôle, quand tu me poses cette question, je me rends compte que j'ai beaucoup changé. Tu me demandais cela il y a 10 ans, j'avais beaucoup d'opinions. Mais aujourd'hui je n'ai plus un seul et unique musicien préféré. La nuit dernière j'ai écouté Led Zep, je me suis régalé. Quand j'écoute Patsy Cline, elle est mon artiste préférée. Même chose quand j'écoute Mr. Fingers.
Comment écris-tu tes morceaux? Utilises-tu des instruments classiques comme un piano, ou utilises-tu surtout des samples? Comment ça se passe?
Parfois je m'assois et je joue du piano, d'autres fois je me mets devant le synthé ou je joue avec le sampleur, la guitare, les percus. Les chansons naissent de manières variées.
Aimes-tu voyager et découvrir des gens et des pays différents?
Oui, tu sais, la façon dont je voyage est bizarre. Je crois que je voyage plus que toute autre personne sur le planète, même plus que les gens qui travaillent pour des compagnies aériennes. Jusqu'à la fin de l'année j'aurai été deux fois en Australie, deux fois en Nouvelle Zélande, trois fois au Japon, en Allemagne à peu près dix fois, douze fois en Angleterre, deux fois dans chaque pays d'Europe de l'ouest, dans chaque état des Etats-Unis, quinze fois en Californie, au Canada... je fais la navette presque quotidiennement entre l'Europe et les Etats-Unis. C'est une façon complètement folle de voyager lorsqu'on ne reste pas plus d'un jour dans le même endroit. Je dois être aujourd'hui à 14 heures à Stuttgart (soupir...)
Voyages-tu aussi pour toi, et non en tant que Moby le musicien?
Je déteste cette idée. Je voyage tellement pour mon travail. C'est un peu comme si tu travaillais pour Burger King, la dernière chose que tu ferais durant ton temps libre serait de t'y restaurer. La chose dont j'aurais le moins envie pour m'amuser serait d'aller dans un aéroport. J'adore vraiment voyager professionnellement, mais quand j'ai du temps libre, tout ira très bien tant que je me tiendrai à distance raisonnable des aéroports. J'associe les aéroports au travail Ö un vol vers l'Allemagne pour une série de concerts, un vol vers le Japon pour donner des interviews...
Te décrirais-tu comme un drogué du travail?
Je ne dirais pas que je suis un drogué du boulot, mais plutôt que je suis actif. Je deviendrais dépressif si je ne travaillais pas. Prends l'exemple de Puff Daddy. Il semble réellement être accroc au boulot. Il a en permanence un nouveau projet qui commence. Moi ça ne m'intéresse pas de monter une boîte, d'ouvrir un restaurant ou autre chose de ce genre, je n'aspire qu'à faire de bons disques.
Ce qui te réussit.
Merci
Parlons un peu de tes déclarations. Beaucoup de choses mentionnées, y compris dans tes chansons, sont déprimantes quand on y regarde de plus près. Comment parviens-tu à écrire des morceaux aussi réjouissants, s'agit-il pour toi d'une thérapie par l'art?
Le monde est complexe. Il y a de belles choses et il y a des choses tristes, le monde a plusieurs facettes. Ce dont je me sens obligé de parler appartient plutôt à la catégorie des choses graves, mais je ne suis pas désespéré. Tout ce que je dis c'est que le monde est compliqué.
Lorsque tu as émergé dans le milieu de la musique Techno, la scène allemande t'a-t-elle influencé?
Oui, l'Electronica allemande a toujours eu une influence forte. Que ce soit Kraftwerk ou DAF, ou bien quelques disques Techno du début des années 90, l'Allemagne a toujours été une des scènes centrales pour la musique électronique.
Concernant Kraftwerk, il y a depuis déjà quelque temps une rumeur selon laquelle ils vont faire un nouveau disque. Que penses-tu de leur place dans la musique électronique aujourd'hui? Crois-tu qu'ils aient encore quelque chose à dire?
Bien sûr, tout le monde à quelque chose à dire. Ça n'est pas parce que quelqu'un vieillit qu'il doit arrêter de faire des disques. Qui sait, peut-être feront-ils un disque horrible, peut-être en feront-ils un génial, et ils n'en ont en fin de compte encore jamais fait de mauvais.
Que penses-tu de la Love Parade en tant que mouvement, en considérant qu'aujourd'hui ce sont les marchands de cigarettes et le gros argent qui la rendent possible?
Ce que je ne comprends pas c'est que la Love Parade ait besoin de sponsors. C'est un défilé, ça ne devrait rien coûter. Je ne dis pas que c'est horrible, mais à la base, c'est un mouvement spontané. Les gens se réunissent, marchent à travers Berlin et fêtent la vie et la Techno. Je ne vois pas pourquoi des sponsors y sont associés.